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L orsque vous suivez une formation en ligne ou hybride (formation mixte à la fois en présentiel et distanciel), la communauté d’apprenants permet de rendre l’apprentissage actif et interactif. C’est un acteur majeur dans la motivation à suivre une formation en ligne et à aller jusqu’au bout. On a tous suivi des MOOC ou autres formations en ligne sans les finir, comme 90% des apprenants[5], parce qu’il manquait quelque chose… quelque chose qui relève du social, de l’humain, du relationnel et que l’on retrouve dans les formations en présentiel, tel que les discussions de groupe, l’apprentissage par la pratique, un bon formateur… Comment ajouter du lien dans la formation en ligne? Ce sera le rôle principal du Learning Community Manager.

Qu’est-ce qu’une communauté d’apprenants ou d’apprentissage ?

“Les communautés d’apprentissage sont des groupes d’apprenants qui partagent formellement ou informellement, en présence ou à distance l’intention d’apprendre ensemble.”[8] Ce sont aussi des lieux de partage et de soutien entre apprenants Les membres partagent un objectif d’apprentissage commun, qui peut être lié à l’acquisition de compétences spécifiques, à la compréhension approfondie d’un sujet, ou au développement professionnel. Elle permet, selon Darling-Hammond (1998), l’engagement dans une démarche d’apprentissage, elle constitue un facteur de motivation au changement dans ses pratiques cliniques et elle accroît l’apprentissage chez les apprenants (Sergiovanni, 1994). “Les acteurs utilisent la communauté d’apprentissage pour construire du sens sur leur pratique et pour mettre des mots sur les projets qu’ils poursuivent, comme le spécifie Wells (1994)”(Dionne, Lemyre, & Savoie-Zajc, 2010)[9] 

La communauté apprenante s’intègre donc dans le Social Learning, ce nouveau mode d’apprentissage collaboratif qui est apparu avec le développement des réseaux sociaux et d’internet. “Le Social learning [1] (…) permet de partager, construire, et capitaliser des connaissances et des pratiques avec d’autres à distance via des outils collaboratifs ou des réseaux sociaux d’entreprises”

La pyramide de l'apprentissage produite par HEC Montréal

La pyramide de l’apprentissage, affiche produite par HEC Montréal

Dans la pyramide d’apprentissage [2], le taux de rétention d’un apprenant 24 heures après son cours selon la méthode pédagogique utilisée est de :

  • 5% pour un cours magistral de type exposé,
  • On passe à 20% lorsque l’apprenant visionne des ressources audiovisuelles (vidéo, image…),
  • 50% avec des discussions de groupe,
  • 75% avec de l’apprentissage par la pratique (études de cas, expérimentation, …)
  • et 90% lors d’enseignement par les pairs (exercices en groupe, tutorat entre étudiants, évaluation par les pairs…).

La communauté apprenante utilise ces 3 méthodes pédagogiques et elle améliore donc de façon significative l’apprentissage. Les savoirs, les pratiques et les compétences sont co-construits par les apprenants. Il enrichit l’apprentissage passif, plus théorique/magistral que représente la partie en auto-formation.

Alors comment recréer ce lien social dans une formation entièrement en ligne ? Est-ce possible ? Oui, bien sûr et cela marche, mais sous certaines conditions.

Les conditions de réussite d’une communauté d’apprentissage

Une communauté d’apprentissage nécessite l’engagement de ses membres, une animation de qualité et un environnement collaboratif efficace.

Dans ce type de communauté, les personnes ont un objectif et un langage commun, elles œuvrent ensemble pour réussir, comprendre ou compléter une tâche collaborative à des fins d’apprentissage.

Pour réussir une communauté apprenante, il est nécessaire de disposer d’une bonne plateforme sociale ou de réseaux collaboratifs, type Slack, Microsoft Teams, Yammer, Workplace by Facebook, Whaller, Talkspirit, Yoolinkpro,…… un forum est parfois intégré dans le LMS (Learning Management System) et peut remplir cette fonction.

Le choix de l’outil est essentiel, il est nécessaire qu’il soit facile d’accès, accessible de partout, qu’il puisse intégrer d’autres outils, qu’il ait une bonne ergonomie, simple et adapté à une population qui n’est pas forcément très à l’aise avec les outils numériques et/ou les réseaux sociaux.

Le rôle clé du Learning Community Manager

Un autre facteur clé de réussite est la présence d’un Learning Community Manager (LCM), c’est à dire une personne au service de la création d’un environnement favorable à l’émergence d’une intelligence collective. Il joue aussi de rôle d’accompagnement au changement.

En effet, “une étude quantitative réalisée auprès de 303 apprenants de huit MOOC de l’Université de Genève [10] a mis en évidence six principaux facteurs qui empêchent et limitent leur engagement dans les forums de discussion”. La transformation des forums de discussion anonymes et froids en communauté apprenante avec une communication synchrone vécue comme naturelle et « réelle » par les apprenants permet de raviver l’engagement des apprenants.

Le Learning Community Manager  joue un rôle important pour maintenir la motivation et l’engagement des apprenants. Il joue à la fois le rôle d’organisation en annonçant le rythme de la formation, quand il est temps de passer à un autre sujet, résumer et clarifier ce qui se dit, en conseillant sur la manière de structurer les discussions, les travaux à rendre afin de les rendre les plus efficaces, etc. Il a également le rôle technique qui permet de rendre les apprenants à l’aise avec le système technique. Ensuite, le rôle pédagogique qui vise, entre autres, à attirer l’attention et susciter des questionnements sur les points cruciaux, éveiller aux concepts critiques, encourager les apprenants à argumenter est rempli par la formatrice.

Selon Jacques Rodet, “Toute communauté dépend fortement de la qualité d’intervention de ses animateurs.” [7] 

« Il apporte une aide méthodologique et sociale, en permettant aux membres de la communauté d’identifier les connaissances qui sont les leurs et dont ils pourraient faire bénéficier l’ensemble des membres. » [3]

24h dans la vie d’un Learning Community Manager (LCM)

Comment se décompose la journée de travail d’un LCM ? Il passe environ

  • 30% de son temps à la rédaction de contenus, à l’organisation d’activités, et l’animation de la communauté,
  • 30% à modérer et suivre les apprenants,
  • 10% de son temps à assurer le reporting et échanger avec le formateur/expert métier ou responsable pédagogique
  • et 10% de son temps à assurer le soutien technique aux outils.

Ses différentes fonctions

Ainsi pour animer et gérer une communauté apprenante, le LCM intervient :

  • Au niveau de la pédagogie : Il anime la communauté, la met en mouvement, l’enrichit avec des contenus pour stimuler la curiosité, les débats…
  • Au niveau social : l’objectif est ici de promouvoir les relations humaines et de créer un environnement bienveillant. Il s’agit aussi d’assurer le bon fonctionnement à un rythme régulier pour le développement du processus d’apprentissage, de reconnaître les apports qui sont faits, de créer des opportunités qui permettent le développement d’une identité communautaire, de maintenir le groupe uni.
  • Au niveau management : Il oriente les apprenants, les informe, facilite les échanges, organise les groupes de travail, aide les membres à travailler ensemble…
  • Au niveau technologique : Il s’assure que les participants soient à l’aise avec les technologies qui sont utilisées, il les aide si besoin en diffusant des tutoriels par exemple.

Ses fonctions évoluent en fonction du cycle de vie de la communauté.

  • Au démarrage, il lance la communauté et il est très présent pour l’animer, l’alimenter en contenus pédagogiques, lancer des challenges…
  • En phase de stabilisation, il est moins présent, plus observateur des interactions dans le groupe. Il relance l’activité et régule les interactions si besoin.
  • Et en phase de déclin ou de fin de la communauté, lorsque l’objectif est atteint, il aide les apprenants à prendre conscience des acquis réalisés.

Les qualités et compétences d’un Learning Community Manager (LCM)

Pour exercer ses fonctions, il doit savoir gérer un groupe, maîtriser la technique, être disponible et à l’écoute. Empathique, diplomate, il est bienveillant et aide à la gestion des conflits si besoin. Discret et réactif, il dispose d’une capacité d’adaptation à un environnement en perpétuelle mutation. « La connaissance des méthodes et techniques d’animation caractéristiques de la formation des adultes se révèle indispensable. »[3]

Ce mouton à 5 pattes est avant tout une personne qui sait adopter la juste posture réflexive et facilitatrice d’échanges informels. Elle n’est ni « trop dedans » la communauté, car elle n’est pas un membre, ni « trop dessus », car elle n’est pas en position d’autorité, ni « trop devant », car elle n’est pas un chef de projet, elle suit le rythme et les besoins de sa communauté et organise l’environnement de celle-ci pour faciliter son déploiement et son activité.  Elle est donc aux côtés du groupe et au même niveau que ses membres[4].

Le Learning Community Manager n’est ni un formateur, ni un tuteur pédagogique

C’est pourquoi, il n’est pas approprié que ce soit le formateur ou l’expert métier qui joue ce rôle. La présence du formateur sur la communauté apprenante ne peut qu’être ponctuelle, car cela pourrait biaiser les liens entre le formateur et les apprenants et détourner le sens même de la communauté apprenante. En effet, mettre un formateur dans ce rôle risque d’entrainer l’inhibition et le contrôle des échanges qui vont de devenir plus formels, alors que l’avantage de la communauté est de créer un espace d’échanges informelles entre apprenants. De plus, il y a un risque de réduire l’autonomie des apprenants qui oseront moins interagir entre eux sous le regard de l’expert. Du coup, nous perdons ce qui rend l’apprentissage actif, notamment l’aspect enseignement par les pairs.

Le rôle du Learning Community Manager peut également sembler identique à celui du tuteur. En effet, ils ont plusieurs points communs, comme le soutien au processus pédagogique et motivationnel des apprenants, susciter la collaboration entre apprenants. Cependant, le tuteur peut avoir une certaine expertise des contenus abordés dans la formation et peut s’occuper de l’évaluation des apprentissages, alors que le Learning Community Manager n’est pas expert des contenus et n’évalue pas les apprenants. Le tuteur est plus proche du cadre formel et ses interventions sont restreintes au cadre pédagogique. Il peut intervenir en synchrone et sur un suivi individuel des apprenants. Ce qui n’est pas le cas du LCM,  il intervient en asynchrone uniquement et  au niveau du groupe. Son animation assure la cohésion du groupe. Il crée des scénarios d’usage pour inspirer ses membres et les rendre plus actifs. La communauté apprenante peut se poursuivre après la formation, alors que le tutotat s’arrête à la fin de la formation. Ces 2 rôles sont complémentaires et témoignent d’une formation de haute qualité qui permettra aux apprenants de monter en compétences et de ne pas se sentir isolés. Avoir un tuteur et un Learning Community Manager permet d’éviter le “tuteur ou LCM-orchestre” et ses inconvénients, selon Jacques Rodet, dans son article “Inconvénients de la figure du “tuteur-orchestre”. [6]

Ainsi, le LCM organise l’environnement, impulse la dynamique du groupe, veille au respect des règles de la communauté. Il régule les émotions de la communauté, suit le rythme et les besoins de sa communauté.

Des cas concrets

Lors d’une formation en présentiel en 2 x 2 jours, la communauté apprenante permet de maintenir le lien entre les apprenants pendant l’inter-session, mais aussi avec l’équipe pédagogique via le LCM. Le LCM poursuit le parcours d’apprentissage mis en place par le formateur lors des journées de formations en présentiel. Un scénario pédagogique a bien sûr été élaboré au départ pour la cohérence de l’ensemble du parcours et l’atteinte des objectifs pédagogiques définis. Il soutient la mise en pratique des apprentissages de la première session en répondant aux questions en apportant des informations complémentaires. Il les stimule en les challengeant, leur proposant des exercices complémentaires par exemple. Il maintient ainsi la motivation des apprenant.

Aperçu d'une communauté apprenante sur Slack

Lors d’une formation entièrement en ligne, la communauté apprenante prend tout son sens. Par exemple dans la formation en ligne à l’utilisation de l’échelle Alarme Détresse Bébé animée par Alexandra Deprez de B-Families, dont je suis la Learning Community Manager, la formation a commencé par une classe virtuelle afin de créer le lien et l’échange. La communauté apprenante sur Slack prend ensuite le relais. Elle maintient le lien entre les apprenants, lien très fragile dans les formations en ligne. Le LCM agit comme un tiers. Il poursuit les échanges et assure une présence quotidienne pour répondre aux questions des apprenants, à leurs interrogations, pour leur permettre de faire face aux difficultés rencontrées lors de la mise en pratique de l’échelle. Il diffuse chaque semaine des contenus complémentaires en fonction des besoins, et fait en sorte que les apprenants partagent également des contenus. Il fait émerger les apprentissages informels. Il facilite l’appropriation des outils numériques, les accompagne dans cette nouvelle manière d’apprendre.

Conclusion

Avec les outils numériques, le temps et l’espace de la formation se trouvent profondément modifiés.  L’intégration des communautés apprenantes augmente le temps d’accompagnement en ligne, alors que le temps de formation en présentiel décroit.

La communauté apprenante en ligne permet de transformer les savoirs et de les mettre en pratique. C’est vraiment une nouvelle alliée pour la formation qu’elle soit hybride ou à distance. Elle est un gage de qualité de la formation en ligne ou hybride, comme le tutorat, rend l’apprentissage actif et donc améliore le taux de rétention d’un apprenant. C’est une solution pour engager les apprenants dans les formations digitalisées et éviter qu’ils décrochent de la formation. Mais sans Learning Community Manager, la communauté ne prendra pas. Son rôle de tiers ou de médiateur ou encore de passeur de savoirs est de créer du lien pour maintenir la motivation de l’apprenant. Toutes ses actions ont pour objectif de soutenir la collaboration entre les apprenants, l’enseignement par les pairs et de favoriser le processus d’apprentissage.

“Il ne s’agit pas de former, mais de mettre en situation d’apprendre, pour rendre l’apprenant toujours plus autonome et acteur dans l’élaboration des apprentissages qu’il peut choisir.”[3]

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Sources :

  • [1] DRAN C., Conseillère en Formation Continue Directrice des études du CAFOC (2014). Le Social Learning, de quoi parle-t-on ?. CAFOC AUVERGNE
  • [2]HEC Montréal, Direction de l’apprentissage et de l’innovation pédagogique (inspiré du National Training Laboratory, Maine) La pyramide d’apprentissage . Répéré sur: https://ernest.hec.ca/video/DAIP/pdf/Pyramide_de_l_Apprentissage.PNG En lien avec la recherche : National Training Laboratories of Bethel (Maine, USA) à partir de résultats de recherches sur la mémorisation menées dans les années 1960
  • [3] Savarieau B., Guégan J. (2017) Le community manager ou animateur de communauté Web : quel nouvel acteur de la formation à distance ? Répéré sur le site Distance et Médiation des Savoirs : https://doi.org/10.4000/dms.1845
  • [4]Le groupe de « Social Learning » du Master Ingénierie pédagogique des E-formations de 2018-2019, Université Rennes 1, en particulier celui des Community Manager avec qui j’ai eu le plaisir de travailler : Alexandra Deprez, Irina Anelok, Sandrine Limery, Patricia Boulain, Leila Brassous, Sandra Dayre et Samuelle Dilé, notre professeur
  • [5] Boyer  C. () Pourquoi les MOOC n’ont-ils pas tenu toutes leurs promesses ?  Répéré sur le site Les Echos Start : https://start.lesechos.fr/apprendre/mooc-formations/pourquoi-les-mooc-n-ont-ils-pas-tenu-toutes-leurs-promesses-11892.php
  • [6] Rodet  J. (30) Inconvénients de la figure du “tuteur-orchestre”. Répéré sur le site Blog de t@d, le réseau du tutorat à distance : http://blogdetad.blogspot.com/2009/09/inconvenients-de-la-figure-du-tuteur.html
  • [7] Rodet J.(17/01/2011) La communauté de pratiques comme support de formation continue pour les tuteurs à distance. Répéré sur le site Blog de t@d, le réseau du tutorat à distance: http://blogdetad.blogspot.com/2011/01/la-communaute-de-pratiques-comme.html
  • [8] Cristol Denis Mis en ligne sur Cairn.info le 09/06/2017, Les communautés d’apprentissage : apprendre ensemble, dans Savoirs 2017/1 (N° 43), pages 10 à 55
  • [9] Dionne Liliane, Lemyre François, Savoie-Zajc Lorraine (2010/06/17), Vers une définition englobante de la communauté d’apprentissage (CA) comme dispositif de développement professionnel, Revue des sciences de l’éducation
  • [10] Yannick Stéphane Nleme Ze et Gaëlle Molinari« Six principaux freins à l’engagement des apprenants dans les forums de discussion des MOOC de l’université de Genève. Un diagnostic pour mieux soutenir les interactions dans les MOOC »Distances et médiations des savoirs [En ligne], 44 | 2023, mis en ligne le 20 décembre 2023, consulté le 10 mai 2024URL : http://journals.openedition.org/dms/9629

Article mis à jour le 10/05/2024

One Comment

  • Samuelle dile dit :

    Bel article ! Une belle Et riche synthèse réflexive de vos apprentissages et expériences… En LCM.
    Bonne continuation dans ce rôle magnifique de CM…

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