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L’intelligence artificielle (IA) bouleverse de nombreux domaines, et le champ des interactions parent-bébé ne fait pas exception. Une étude récente a montré que des modèles d’IA (Intelligence Artificielle), comme  « la forêt aléatoire », peuvent prédire avec une grande précision la qualité des interactions entre les nourrissons et leurs soignants. Mais voici ce qui est vraiment intéressant : cette IA a performé grâce à des données triées par un outil clinique bien établi, le CARE-Index (ICI), voir le programme ou l’article sur la spécificité de cet outil.

Loin de rendre l’humain obsolète, cette recherche met en lumière la robustesse du CARE-Index et souligne à quel point la formation des professionnels à l’évaluation des interactions précoces a  encore de beaux jours devant elle.

Le CARE-Index : la base solide pour l’IA

Dans cette étude, le CARE-Index a servi de standard d’or pour évaluer les interactions entre les parents et leurs bébés. Cet outil, utilisé par des experts humains, permet d’analyser les vidéos d’interactions parent-bébé de 3 à 5 min pour identifier  la sensibilité du donneur de soins dans une interaction avec le bébé entre 0 et 15 mois,  mais aussi la synchronie dyadique et le risque. Grâce à ces évaluations rigoureuses, les données ont pu être utilisées pour tester différents modèles d’IA.

Le modèle de forêt aléatoire a alors été comparé aux résultats du CARE-Index et a atteint une précision de 83,85 %. Ce chiffre impressionnant montre que l’IA est capable de repérer des schémas dans les interactions parent-bébé, mais uniquement parce qu’elle s’appuie sur des données fiables fournies par le CARE-Index.

La forêt aléatoire : une IA au service de l’évaluation

La forêt aléatoire est un modèle d’apprentissage automatique (machine learning), qui fait partie de la vaste famille des algorithmes d’intelligence artificielle (IA). Plus spécifiquement, cet algorithme repose sur de multiples arbres de décision, chacun étant entraîné sur un sous-ensemble de données pour réaliser des prédictions ou des classifications. La combinaison des résultats de ces arbres produit une évaluation plus robuste et plus précise.

Dans cette étude, l’IA a pu analyser des données complexes et repérer des prédicteurs fiables grâce aux évaluations initiales réalisées par les experts humains à l’aide du CARE-Index.

Cela montre la capacité de l’IA à traiter de grands ensembles de données, mais également la nécessité d’une expertise humaine pour produire ces données de départ.

Pourquoi se former au CARE-Index est plus essentiel que jamais

En effet, pourquoi se former si l’on risque d’être remplacé dans le future par une IA pour l’évaluation des interaction ?

Premièrement, cette étude montre que sans le savoir-faire humain, nous ne pourrions même pas développer des outils performants comme l’IA. Les données fiables, classifiées par des cliniciens experts utilisant le CARE-Index, sont indispensables pour entraîner les modèles d’IA. Cela prouve toute l’importance des compétences cliniques humaines, sans lesquelles l’IA serait incapable de fonctionner correctement.

Le CARE-Index a démontré sa robustesse dans cette étude en fournissant une base solide, prouvant que l’outil est non seulement fiable pour l’évaluation humaine, mais qu’il sert aussi de référence pour les nouvelles technologies. En d’autres termes, c’est le savoir clinique qui permet à l’IA de briller.

Et même si la formation au CARE-Index peut prendre du temps (c’est vrai, ce n’est pas une compétence qu’on acquiert du jour au lendemain !), il est important de souligner que l’IA n’est pas encore prête à se passer des experts formés. Si elle peut repérer quelques schémas dans les interactions, elle est encore loin de pouvoir produire des rapports cliniques pertinents sur une dyade parent-bébé, comme le fait un professionnel formé au CARE-Index.

Maintenant, imaginons un futur où l’IA évaluerait les interactions parent-enfant :

Dans ce scénario futuriste, les vidéos d’interactions parent-enfant seraient analysées automatiquement par l’IA. Le diagnostic tomberait instantanément, sans biais humain, avec une rapidité et une précision sans précédent. Ce processus permettrait d’atteindre plus de familles, plus rapidement, en standardisant les évaluations cliniques et en éliminant certaines erreurs liées à l’interprétation humaine.

Mais que deviendraient les professionnels de santé si l’IA peut tout évaluer à leur place ? Seront-ils relégués à un simple rôle de superviseurs des machines, ou devront-ils encore intervenir pour ajuster les résultats et apporter des solutions concrètes aux familles ?

En fait, et c’est mon deuxième point, l’humain reste irremplaçable et donc se former à l’évaluation des interactions précoces aussi, voici pourquoi :

Si l’IA sera peut être capable de fournir une évaluation rapide et précise des interactions parent-bébé, elle restera limitée sur plusieurs aspects fondamentaux :

  1. L’interprétation clinique et l’intervention thérapeutique : L’IA est capable d’observer des comportements, mais elle ne peut pas interpréter les dynamiques émotionnelles ou relationnelles sous-jacentes. Les cliniciens formés au CARE-Index ne se contentent pas de cotations numériques : ils comprennent les raisons derrière les comportements, les besoins des parents et enfants, et savent ajuster les interventions thérapeutiques en conséquence.

L’IA donne un score ; l’humain donne du sens.

  1. Accompagnement et ajustement personnalisé : Un professionnel formé peut transformer les résultats d’une évaluation en interventions adaptées aux besoins spécifiques d’une famille. L’IA ne peut pas tenir compte de tous les contextes sociaux, émotionnels et culturels qui influencent les relations parent-enfant. Seuls les cliniciens sont capables de fournir cet accompagnement personnalisé, adapté à chaque situation.
  2. Préserver et affiner les compétences humaines : Si l’IA prend en charge une grande partie des évaluations, il est possible que nous perdions nos compétences d’observation et d’analyse fine des interactions. Se former au CARE-Index garantit que ces compétences demeurent vivantes et précises, même si l’IA est utilisée en complément. Les professionnels formés peuvent continuer à affiner leur regard clinique, et à intervenir efficacement, indépendamment des technologies utilisées. L’IA ne servirait finalement qu’à gagner du temps sur l’analyse mais ne remplacerait aucunement le clinicien formé.
  3. Garder le contrôle éthique et clinique : En cas d’erreur de l’IA, ou si la technologie rencontre des dysfonctionnements, c’est l’humain qui devra intervenir pour corriger ou ajuster les évaluations. La formation permet de garantir que les cliniciens resteront les garants des soins éthiques, capables de comprendre et d’intervenir de manière nuancée.
  4. Comprendre les mécanismes fondamentaux des interactions humaines : Se former au CARE-Index ne permet pas seulement de comprendre les interactions parent-bébé. Cette formation vous ouvre la porte aux mécanismes fondamentaux des relations humaines, applicables à tout âge. Le CARE-Index repose sur des principes universels de communication et de régulation émotionnelle qui vous aident à décoder les interactions dans divers contextes : professionnels, familiaux, sociaux. Ce savoir est généralisable, et vous permet de lire et comprendre les dynamiques relationnelles à chaque étape du développement humain. On se situe au-delà de la simple évaluation, performance de l’IA, pour être au cœur de ce qui est typiquement humain, la relation et ses processus interactionnels.

Par ailleurs, la généralisation potentiel de l’utilisation de l’IA ne va pas sans poser un certain nombre de question éthiques, et elle n’est pas non plus sans risque et sans limite, parmi celles-ci :

  1. Le risque de Déshumanisation des soins : L’un des risques majeurs est que l’utilisation excessive de l’IA dans les évaluations cliniques puisse entraîner une déshumanisation des soins. L’IA ne peut pas établir de connexion émotionnelle avec les familles, ce qui pourrait entraîner un sentiment de distance et de froideur dans l’accompagnement thérapeutique. La formation des professionnels garantit que cette relation humaine reste au cœur des soins. Et  puis une question éthique se soulève : est-ce que la systématisation/mécanisation/industrialisation des évaluations d’interactions parent-bébé ne donnerait pas lieu à des utilisations déviantes et non éthiques telles que l’établissement de permis de parentalité en fonction de ce que l’IA analyse des compétences parentales ? Rien que d’y penser, j’ai froid dans le dos !
  2. Il existe aussi des risques en terme de protection des données et de la vie privée : Utiliser l’IA pour évaluer les interactions parent-bébé implique la collecte et le stockage de vidéos et de données sensibles dans le cloud. Cela expose les informations à des risques de piratage, de fuites ou de dysfonctionnements techniques. La sécurité de ces données est une préoccupation majeure, et nous devons nous interroger sur les conséquences d’un plantage ou d’une fuite d’informations sensibles. Dans un tel scénario, il est primordial que des professionnels formés soient capables de prendre le relais. Il n’est pas envisageable de penser se décharger entièrement du travail d’évaluation sur l’IA .
  3. Une autre question importante est celle de la responsabilité clinique : Si l’IA se trompe, qui en portera la responsabilité ? Les cliniciens formés peuvent ajuster et corriger leurs évaluations au fil du temps, tandis qu’une IA repose sur des algorithmes qui peuvent intégrer des biais involontaires. L’humain, formé au CARE-Index, reste le garant ultime de la précision et de l’éthique dans l’évaluation.
  4. Enfin, il se pose la question des ressources nécessaires et des coûts de l’IA et s’il ne vaudrait pas mieux investir autrement ces ressources  : Développer et maintenir une IA capable d’évaluer les interactions parent-bébé avec précision exige des ressources importantes. Cela nécessite non seulement des ingénieurs pour entraîner et perfectionner les modèles, mais aussi des infrastructures coûteuses pour le stockage des données dans le cloud, ainsi que des systèmes robustes pour éviter les risques de piratage et de plantage. En cas de défaillance de ces systèmes, que resterait-il de nos compétences humaines ? Former directement les professionnels au CARE-Index n’est-il pas un investissement plus simple et une solution plus durable en quelque sorte ?

D’autant que se former au CARE-Index offre bien plus qu’une simple compétence technique : c’est un savoir-faire clinique qui permet à l’humain de comprendre les dynamiques relationnelles sous-jacentes et d’intervenir de manière efficace.

Cette formation permet également de préserver une expertise irremplaçable. Si l’IA connaît des défaillances ou si ses modèles deviennent obsolètes, ce sont les compétences humaines qui garantiront la continuité des soins et des évaluations de qualité.

Conclusion 

L’étude citée montre que l’IA, et plus particulièrement le modèle de forêt aléatoire, peut aider à évaluer les interactions parent-bébé. Cependant, cette IA ne fonctionne efficacement que lorsqu’elle est alimentée par des données validées par des experts humains utilisant le CARE-Index. Cela prouve non seulement la robustesse de cet outil, mais aussi l’importance cruciale des compétences humaines dans ce processus.

En fait, pour résoudre un problème aussi complexe que l’évaluation des interactions parent-bébé, l’expertise humaine reste indispensable. Se former au CARE-Index permet aux professionnels de rester au cœur de l’évaluation clinique, en combinant la richesse de l’intervention humaine avec la puissance de l’IA. C’est cette collaboration qui garantit des résultats fiables et adaptés aux besoins des familles.

Une collaboration à penser

L’IA transformera sans aucun doute l’avenir des soins cliniques, y compris dans l’évaluation des interactions parent-bébé. Mais loin de rendre les professionnels obsolètes, cette transformation montre à quel point il est essentiel de maintenir et développer nos compétences humaines. Se former au CARE-Index reste la clé pour garantir des évaluations nuancées, éthiques et centrées sur la relation humaine.

En combinant l’expertise humaine avec les avancées technologiques, nous pouvons imaginer un avenir où l’IA soutient les professionnels de santé, mais où les cliniciens formés resteront les acteurs principaux de l’accompagnement thérapeutique. L’IA pourra évaluer, mais l’humain restera indispensable pour interpréter, ajuster, et accompagner les familles dans leur cheminement.

Alexandra Deprez, Docteur en psychologie, spécialiste de la théorie de l’attachement, des neurosciences relationnelles,  de la psychopathologie parentale  & de la santé mentale du bébé et de l’enfant
Références :

Wang, Q., Gao, W., Duan, Y. et al. Exploring predictors of interaction among low-birth-weight infants and their caregivers: a machine learning–based random forest approach. BMC Pediatr 24, 648 (2024). https://doi.org/10.1186/s12887-024-05080-8

 

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